Suzanne C. Wery |
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Un moment hors du temps À ma classe de sixième.
Durant ma carrière dans l’enseignement, j’ai vécu beaucoup de moments difficiles.
Parmi eux, des moments de doutes et de découragement, des instants d’une infinie lassitude, des périodes compliquées physiquement.
Chaque fois, je ressentais une envie de tout arrêter.
Contrairement à ce que pense la majorité des gens,
la perception d’un salaire confortable et les nombreuses semaines de «vacances» ne suffisaient
pas à me motiver à me lever le matin dans ces moments-là.
Je fais malheureusement partie des personnes qui ont besoin de trouver un sens et de l’épanouissement dans leur travail.
Alors, quand la fatigue se faisait trop sentir ou quand ma patience était mise à rude épreuve,
il fallait bien dénicher dans tout ceci une étincelle de joie et de satisfaction à exercer ce métier,
une petite lueur de bonheur ravivant la flamme de la motivation. Malgré ce que beaucoup penseront, dans mon cas, cette étincelle se trouvait systématiquement dans un moment vécu en classe, auprès des élèves. Que ce soit dans un fou rire partagé, au travers d’une discussion prenante ou juste dans un sourire à la suite d'une réussite. Au mois de décembre 2019, j’ai vécu l’un de ces moments hors du temps. J’ai hésité avant de savoir comment évoquer cette anecdote, qui selon moi, devait être partagée avec le plus grand nombre. Pour tous ces professeurs qui auraient besoin de se rappeler pourquoi ils font ce métier. Pour tous ces élèves qui ne se sentent pas toujours à leur place en classe. C’est pourquoi j’ai décidé de la raconter tout simplement ici, sur mon blog. Cette séance se déroulait lors de la dernière heure de cours de l’année avec la classe de sixième dont j’avais la charge cette année-là. Alors que l’impatience des vacances de Noël se faisait cruellement sentir, nous devions terminer notre travail. Nous étions en train de parler de la notion de signal et d’information. Nous venions de faire le lien avec le langage, puis au détour de leur questionnement, en sommes arrivés à évoquer la langue des signes française ou LSF. Certains élèves et moi-même connaissions quelques mots en LSF et nous avons donc montré ces notions au reste de la classe. J’avais quelques maigres connaissances comme l’alphabet et du vocabulaire mémorisé lorsque j’avais des difficultés à m’exprimer à cause d’un problème de santé. Deux élèves m’ont parlé d’un chant qu’elles avaient appris à l’école primaire, à la fois en français et en langue des signes française. L’une d’elles a immédiatement émis le souhait de le chanter devant la classe, ce que j’ai bien évidemment accepté. Alors, à la toute fin du cours, l’élève s’est levée, hésitante et un peu stressée, et s’est placée face à ses vingt-neuf camarades. D’une voix tremblante, elle s’est mise à chanter une comptine pour enfant, tout en traduisant les paroles en LSF. Je voyais bien qu’elle avait peur, mais elle ne s’est pas démontée. Ses camarades n’ont pas fait un seul bruit, impressionnés par son courage et suspendus à cette douce chanson. Moi, je l’observais, admirative de ce qu’une adolescente de onze ans était capable d’accomplir sous mes yeux. Jamais, à son âge, je n’aurais osé en faire autant. Lorsqu’elle eut fini de prononcer le dernier mot, j’étais encore tout émue par ce joli spectacle qu’elle venait de nous offrir. Je m’empressais alors de l’applaudir pour la féliciter de sa prestation. Mais mes tapes dans les mains furent les seules à résonner dans la salle de classe. N’ayant pas décroché mes yeux d’elle et inquiète de ne pas entendre ses camarades soutenir son effort, je tournais rapidement mon regard vers les autres élèves. En réalité, ils étaient tous en train d’applaudir… en langue des signes. Il m’a fallu retenir une larme.
Si ma mission était de leur enseigner les Sciences, je dois dire que je ne me suis jamais sentie aussi bien dans
mon rôle de professeur que dans ce genre de situations.
Celles où le partage prévalait sur le contenu, celles où la leçon de vie valait bien toutes les leçons de Sciences.
C’était pour cela que je faisais ce métier.
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